Tous appelés à être transfigurés

Jésus transfiguré éclaire son itinéraire pascal et le nôtre
 

Nous rêvons tous d'un avenir heureux. Et finalement, à travers nos multiples quêtes du bonheur, ce que nous recherchons tous n'est-ce pas de vivre, d'aimer et d'être aimé toujours ? Même l'homme pécheur, le drogué ou le débauché, ne sont-ils pas eux aussi en quête de bonheur ? Nos dérives sont souvent une recherche du bonheur qui se trompe de direction.
Mais ce rêve de bonheur se heurte à l'incontournable mur de la mort.

Or le Dieu des chrétiens se révèle être un Père qui appelle chacun de nous par son nom pour nous partager la plénitude de sa vie et de son amour. Le Dieu de Jésus Christ voit grand et loin pour l'homme. Dieu n'est donc pas un concurrent à ma liberté, mais une puissance d'amour qui me construit, me structure, me libère, m'accomplit. Un Amour infini qui personnalise l'homme, humanise l'homme et divinise l'homme.

Depuis le jaillissement des premières étoiles, toute la création est orientée par l'Esprit vers la divinisation de l'homme, sa résurrection dans la lumière de Dieu. Tel est son Dessein d'amour. Et si Jésus s'incarne ce n'est pas pour s'enfermer dans nos limites humaines mais justement pour ouvrir notre horizon sur la lumière du Royaume, la Vie éternelle.

Ceci dit, si la résurrection ouvre une formidable espérance, l'expression elle-même semble un peu vague pour nos contemporains. C'est pourquoi, la proclamation de cet événement doit être éclairé par un autre approche, plus imagée, plus évocatrice, celle de la "transfiguration ". De fait, le récit évangélique qui nous révèle le mieux notre future identité est celui de la transfiguration du Christ. Le contexte de ce récit, au cœur de nos Évangiles synoptiques, est très éclairant. Il se situe immédiatement après la première annonce par Jésus de sa passion, la réaction scandalisée de Pierre et l'invitation de Jésus à le " suivre " sur ce chemin qui passe par la mort pour entrer dans le Royaume de son Père.
Les disciples sont profondément choqués par ces propos ! Mais pour vaincre les forces du mal et la mort qui nous asservissent, Jésus devait s'identifier à l'homme, assumer nos souffrances et notre mort pour en faire jaillir la vraie vie. C'est pourquoi, au cours de cette "montée" vers Jérusalem, vers sa Pâque, il va tenter de faire entrevoir à trois de ses disciples, qui représentent l'ensemble des apôtres et chacun de nous, qu'il n'y a pas d'autre chemin que celui où il nous précède pour "passer" de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Ce récit éclaire la passion de Jésus qui n'est pas un tragique accident de parcours mais une étape incontournable.

"Jésus fut transfiguré devant eux". La blancheur lumineuse dont il resplendit est une anticipation de la gloire dont il rayonnera, ressuscité, au matin de Pâque. Et sur cette montagne de la Transfiguration, Dieu, son Père nous dit: "Écoutez-le ! Suivez-le ! Le chemin de mon Fils bien-aimé, qui vous scandalise, ne débouche pas sur l'impasse de la mort mais dans la vraie vie, ma vie éternelle.

De l'homme biologique à l'homme spirituel

C'est donc dans la lumière du Christ transfiguré que nous découvrons combien notre vie est une lente montée vers la lumière. Jésus n'a- t-il pas dit à Nicodème: "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de renaître d'en Haut … de renaître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair et chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit" (Jn.3, 5)

Selon Jésus, il y a bien deux naissances. La première, biologique, que nous avons reçue de nos parents.
Et une seconde naissance, "spirituelle" : "Il vous faut renaître d'en -haut …d'eau et d'Esprit " Cette renaissance spirituelle est un don de l'Esprit. Elle est à la mesure de notre disponibilité intérieure au travail de l'Esprit Saint en nous. C'est la longue histoire de notre conversion. Comme pour le papillon qui sort lentement de sa chrysalide pour déployer ses ailes dans la lumière, il faut bien du temps pour que chacun de nous émerge de sa gangue de terre, de son moi biologique. Il faut bien du temps pour apprendre à sortir de soi-même, à dépasser nos pulsions instinctives, animales, à dépasser ce "moi" égoïste centré sur lui-même, pour devenir, peu à peu, un fils de Dieu, un enfant de lumière libéré par l'amour.
C'est jour après jour, que nous sommes appelés à choisir entre l'Amour qui nous construit, nous transfigure et l'enfermement destructeur sur nous-mêmes. Le péché c'est toujours de l'amour enfoui, de l'amour blessé ou tué.

Notre transfiguration commence dans ce dynamisme de l'amour vécu qui "humanise " notre moi biologique, charnel, nous fait "passer" - et c'est cela vivre sa pâque - du moi possessif, égoïste au don de soi. La Résurrection n'est pas ce qui arrive à la fin des temps, c'est une victoire quotidienne de l'amour sur les forces de mort. Notre résurrection- transfiguration n'est pas un événement qui arrive après notre mort biologique, mais une réalité spirituelle qui commence dès maintenant, car la puissance de la résurrection du Christ agit en chacun de nous.

L'Au-delà, la Vie éternelle, le Ciel n'est pas dans les nuages, mais est une Réalité déjà présente au plus profond de notre être. Notre destinée future se joue dans notre accueil quotidien de cet Esprit d'amour. Notre résurrection, notre divinisation, notre transfiguration se réalise, jour après jour. Chacun de nos actes, chacune de nos options, de nos décisions est un mystère de mort à soi-même et de résurrection. Un sourire, un geste de solidarité, un engagement pour la justice, un pardon accordé ou reçu, une prière …tout peut devenir source de croissance dans l'amour, de transfiguration.
Celui qui se dépasse pour aimer devient immortel, puisque l'amour est l'Être même de Dieu vivant. C'est chaque jour, que nous façonnons notre visage d'éternité. C'est chaque jour que nous "immortalisons" note vie. C'est chaque jour que nous ressuscitons un peu plus, que nous devenons des vivants. Tout amour vécu est une promesse d'immortalité Cet "amour est plus puissant que tous les déterminismes humains. Jésus a dit : "Celui qui croit en moi" - et qui donc essaie d'aimer comme moi - a la vie éternelle", non pas "aura" la vie éternelle mais "a" la vie éternelle". C'est un présent.
Voilà la nouvelle naissance à laquelle le Christ nous invite pour atteindre notre maturité humaine et spirituelle. Notre mort ne sera pas un anéantissement, mais un mûrissement, un accomplissement, un passage, une "Pâque" vers notre véritable identité: notre transfiguration pour la Vie éternelle.

L'Esprit -Saint, source et artisan de notre transfiguration

C'est le Père qui, au matin de Pâques, par la puissance créatrice de l'Esprit Saint, a ressuscité Jésus. C'est ce même Esprit Saint, don du Christ ressuscité, qui est la source et le dynamisme de notre "renaissance spirituelle" C'est l'Esprit, force spirituelle de l'amour divin, qui transfigurera notre corps mortel en "corps spirituel", comme l'écrit saint Paul :
"Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux d'où nous attendons ardemment comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ qui transfigurera notre corps de misère pour le rendre semblable à son corps de gloire, avec la force qui le rend capable de se soumettre toutes choses" ( Ph 3, 21).

Pour parler de cette "transformation spirituelle", Paul utilise le même mot grec, "métamorphose", employé par nos évangélistes pour décrire la transfiguration du Christ sur la montagne. Et il n'hésite pas à écrire :`
"Et nous qui reflétons tous la gloire du Seigneur, nous sommes progressivement transfigurés (métamorphosés) en son image, avec une gloire de plus en plus grande, par l'action du Seigneur qui est Esprit" ( 2 Co.3,18).

Et c'est bien l'Esprit Saint qui témoigne en nous de cette lente métamorphose ou renaissance : "L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu, et donc héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ" (Rm 8, 16-17).
"La preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie Abbé, Père ! Aussi n'es-tu plus esclave, mais fils : fils, et donc héritier de Dieu" (Ga 4, 6 -7).

Oui, notre avenir est d'être, comme Jésus, comme Marie sa mère, transfiguré, "glorifié".
"Puisse le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints" (Eph.1,18).

On peut donc dire que toute l'Histoire du salut, animée par l'Esprit de Dieu, est orientée vers la résurrection - transfiguration de l'homme et même de toute la création. On ne peut pas séparer ces deux articles de la foi chrétienne : "Je crois en l'Esprit Saint" et "j'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir". Les auteurs du Nouveau Testament associent toujours résurrection et Esprit Saint. Saint. Paul invite souvent ses frères à faire confiance en cette puissance créatrice de l'Esprit, semence de vie nouvelle et éternelle, qui habite déjà en nous.

Une transfiguration qui concerne tout l'homme

Notre avenir est d'être transfiguré. Qu'est - ce à dire ?
Sur la montagne de la Transfiguration, Jésus transfiguré, n'est pas devenu un pur esprit, une "âme" isolée de son corps. Jésus est transfiguré (métamorphosé) et non " désincarné ". Son visage et ses vêtements resplendissants de la lumière divine signifient que cette transfiguration concerne tout l'homme, corps et âme. Il s'agit bien d'une véritable transformation de toute la personne du Christ, y compris son corps et donc la matière qui devient lumineuse.
Il est le premier-Né de notre humanité renouvelée, transfigurée par les énergies de l'Esprit Saint. D'ailleurs, les récits évangéliques des "manifestations" de Jésus ressuscité attestent que le Christ de Pâque n'est pas simplement une "âme", mais que c'est bien toute son humanité qui a été transformée. Il a conservé une dimension corporelle, même si les modalités de ce "corps spirituel" ou "corps de gloire", pour reprendre les expressions de saint Paul, nous échappent.

Dans la tradition de nos frères orthodoxes, les icônes du Christ, de Marie et des saints ne représentent pas des "âmes" ou de "purs esprits" mais bien des corps lumineux, transfigurés, intériorisés par les énergies transformantes de l'Esprit. La dimension corporelle y est bien attestée. Comme le proclame la préface de la messe des défunts: "la vie n'est pas détruite, elle est transformée."

Sur le Thabor, la beauté de Jésus transfiguré, irradié de lumière, ne nous révèle pas seulement son identité de Fils de Dieu, voilée par son humanité, mais aussi notre propre identité future. Jésus transfiguré est l'Icône de l'homme accompli, libéré, humanisé, divinisé. Jésus a pris visage d'homme pour nous révéler notre visage d'éternité. Et la Vierge Marie, par la grâce de son Fils, est déjà devenue ce que nous serons. C'est ainsi que la petite Bernadette Soubirous a pu contempler, émerveillée, à la grotte de Lourdes, la beauté de la Mère de Jésus qui lui est apparue transfigurée.

Le Christ transfiguré devrait nous libérer de toute forme de dualisme platonicien. Jésus ne s'est pas incarné, n'a pas assumé notre matière, pour redevenir un pur esprit, sinon pourquoi ce détour par notre condition humaine ?

"Puisque tous les hommes ont tous une nature de chair et de sang, Jésus a voulu partager cette condition humaine…Car ceux qu'il vient aider, ce ne sont pas des anges, ce sont des fils d'Abraham. Il lui fallait donc devenir en tout semblable à ses frères" (He 2,14-16).
On peut d'ailleurs discerner, dans la vie de nombreux saints, cette mystérieuse transfiguration progressive de tout leur être. Ils sont tellement habités par l'amour divin, la lumière transformante de l'Esprit, que leur corps lui-même en est comme déjà irradié de l'intérieur. "Habité" par le feu de l'Esprit, ils rayonnent d'une Présence intérieure sans le savoir. Dans la tradition orientale, on peut citer le bienheureux Séraphin de Sarov que ses disciples, au cours de ses entretiens, ne pouvaient plus regarder tellement son visage était devenu lumineux.
Mais nous pouvons relever le même phénomène dans l'Occident chrétien où certains saints sont devenus de véritables icônes : Par exemple, un Père de Foucauld. Il suffit de comparer son visage, alors qu'il était encore en garnison de Senlis, jeune aristocrate livré à toutes les passions, avec celui de l'ermite de Tamanrasset qui est devenu lumineux. Son visage intériorisé, ascétique semble comme irradié de l'intérieur par cette forte et douce lumière qu'il a contemplée des nuits entières et qui l'habite.
Le visage de ces saints rayonnants, le saint curé d'Ars, sainte Thérèse de Lisieux, et bien d'autres illustrent cette mystérieuse lumière transformante qui préfigure déjà notre corps de transfiguré.
Mystérieuse transformation de la matière elle-même "spiritualisée" - et non désincarnée !-
Beauté du corps humain qui réfracte déjà la Présence transformante de Dieu et renvoie à la Beauté du corps transfiguré du Christ.

Pas de vie sans croissance, pas de croissance sans transformation, pas de transformation sans mort

Si Jésus n'a pas fait l'économie de sa passion, assumant nos souffrances et notre mort, avant le triomphe du matin de Pâque, et nous invite à le suivre, c'est que, désormais, c'est le seul chemin possible de notre libération.
Dans notre condition actuelle, blessés par le mal, nous ne pouvons pas passer des ténèbres à la lumière, de la défiguration à la transfiguration, en dehors de cet itinéraire pascal où Jésus nous précède. Le récit de la transfiguration nous invite à ne jamais séparer la théologie de la croix et la théologie de la gloire.
Dans la métamorphose du papillon, il y a rupture et continuité, car le papillon n'est pas une grosse chenille qui aurait grossi démesurément. Ce mystère de rupture et de continuité est souvent évoqué par St Paul à partir du cycle de la nature. (1 Co.15) Toute semence doit mourir pour donner une plante nouvelle.
C'est ainsi que Dieu, à notre mort biologique, par un nouvel acte créateur, fera surgir l'homme nouveau, glorieux, en gestation au plus intime de notre être.

Mais, ce saut dans la foi, décisif, de la mort à la vie, nous fait peur. Nous voudrions garder, dans la vie future, ce "corps" terrestre qui nous est familier; mais comme il est irrémédiablement marqué par le drame du péché, il n'est plus adapté à notre ultime transfiguration dans l'au-delà. Nous sommes contraints de nous "dévêtir" de ce corps physique, nous devons quitter cette "demeure terrestre" provisoire pour une nouvelle "habitation céleste". "Aussi gémissons-nous dans cet état, avec le désir ardent de revêtir par-dessus l'autre notre habitation céleste…Oui, nous qui sommes dans cette tente, nous gémissons, accablés; nous ne voudrions pas en effet nous dévêtir, mais revêtir un vêtement sur l'autre... Et Celui qui nous a formés pour cet avenir, c'est Dieu, qui nous a donné les prémices de l'Esprit "
(2 Cor.5, 2 - 5).
Notre résurrection- transfiguration ne sera pas le simple prolongement de notre vie terrestre. Elle relèvera d'un acte créateur gratuit, un don de Dieu. Si notre vieil homme, biologique se dégrade, l'homme nouveau façonné par l' Esprit se renouvelle, se transfigure, de jour en jour.
"C'est pourquoi nous ne perdons pas courage. Au contraire, même si notre homme extérieur va vers sa destruction, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car nos détresses d'un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu'elles nous préparent. Notre objectif n'est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel. Car nous le savons, si notre demeure terrestre qui n'est qu'une tente provisoire se détruit, nous avons une maison qui est l'œuvre de Dieu, une demeure éternelle qui n'est pas faite de main d'homme, et qui est dans les cieux." ( 2 Co.4,16s)
Le mystère de notre renaissance spirituelle, de notre lente transfiguration est tout simplement l'aventure de la sainteté qui n'est pas facultative, mais le seul chemin de notre véritable humanisation. "Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait " dit Jésus. Or la perfection de Dieu est celle de l'amour. Devenir un saint, c'est donc aimer plus aujourd'hui et davantage demain. Voilà la seule aventure digne de l'homme. Et cette sainteté n'est pas réservée aux moines ou aux saints dans les niches des cathédrales, elle est l'identité même de tout homme, son horizon, son bonheur, son véritable accomplissement.
Notre sainteté, et notre transfiguration qui en est la manifestation, n'est pas le résultat d'un coup de baguette magique, mais le fruit d'une longue maturation humaine et spirituelle au cours de laquelle chacun de nous est appelé à se laisser purifier et unifier par l'amour.
"Il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes pour vous renouveler par une transformation, une transfiguration spirituelle (métamorphose) et revêtir l'homme nouveau" (Ep.4, 22-23).
L'ascèse chrétienne n'est pas un effort pour se dégager de la matière, mais un effort pour permettre à l'Esprit du Christ de la "spiritualiser. Et quand Jésus nous invite à le suivre sur la route de Pâque, à "porter notre croix" ce n'est pas pour faire du christianisme une morale doloriste mais une morale de dépassement. Sortir de soi, de notre moi égoïste, chaque matin, pour aimer, c'est crucifiant ! C'est cela porter sa croix. Pas de croissance sans transformation. Pas de transformation sans mort.

La Pâque de l'humanité et de toute la création

 Dans la Bible, le Dessein de Dieu se révèle toujours universel. La Terre promise à Abraham deviendra, avec le Christ, le " Royaume de Dieu " ou encore " la Fraternité universelle ". Et quand Dieu nous appelle à partager sa vie ce n'est pas en tant qu'individu isolé mais toujours comme membre d'un peuple. Le Christ, ressuscité récapitule dans son corps transfiguré tout l'univers crée. Son corps glorieux constitue déjà les prémices des "cieux nouveaux et de la terre nouvelle". Premier - Né de la création renouvelée.
Notre résurrection ne peut donc pas être une aventure purement individuelle. Notre "corps de résurrection" ne peut être envisagé isolément, en dehors de ses relations avec l'ensemble de cet univers. Nous devons retrouver le souffle cosmique de la foi et de l'espérance chrétiennes dont témoignent déjà les fresques grandioses des hymnes aux Éphésiens et aux Colossiens.
" Il nous a choisis en Christ, dès avant la création du monde, pour être...en sa présence, dans l'amour ! "
Il nous a révélé son Dessein bienveillant qu'il réaliserait quand les temps seraient accomplis, celui de "réunir l'univers entier, les êtres célestes comme les terrestres dans le Christ" (Eph.1,1s).
Toute la longue gestation cosmique qui précède l'explosion de la vie, l'évolution des vivants jusqu'à l'homme debout, tout est orienté vers l'incarnation, la résurrection, la transfiguration du Christ, l'Homme parfait.
"Il est l'image du Dieu invisible,
Premier-né de toute créature,
car en lui tout a été créé,
dans les cieux et sur la terre,
les êtres visibles comme les invisibles...
Tout est créé par lui et pour lui.
Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui...
Il est le commencement, Premier -Né d'entre les morts.
" (Col.1,15-20).

Si dans le Christ ressuscité, le renouvellement de notre univers est déjà accompli, sur le versant historique des hommes, il est encore en gestation. Saint Paul, pour exprimer ce mystère de l'univers en gestation, solidaire de l'aventure humaine, n'hésite pas à employer le vocabulaire réaliste de l'accouchement. La création est " en travail d'enfantement."
" Toute la création, en attente, aspire avec impatience à la manifestation de la gloire des fils de Dieu. Si elle fut assujettie à la vanité...elle garde l'espérance d'être, elle aussi, libérée de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet la création tout entière gémit maintenant encore en travail d'enfantement. Elle n'est pas seule: nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement dans l'attente de l'adoption, la délivrance pour notre corps " (Rm.8, 16-23).

 
La transfiguration de l'homme est attendue par toute la création. La libération de la personne humaine, à la fois matérielle et spirituelle, est première, et elle entraînera celle de tout l'univers créé. Dieu a voulu faire de l'homme son collaborateur le plus direct pour parfaire un Univers encore inachevé. Et c'est en accueillant, jour après jour, l'Esprit, que l'homme humanise progressivement son propre corps, ce monde matériel, et prépare ainsi sa transfiguration finale par le Christ. Nous avons à humaniser par les forces de l'amour divin ce que Dieu va transfigurer.
Dieu n'est pas une puissance magique. C'est une puissance d'amour qui n'est efficace que si l'homme en est le récepteur. Là où il n'y a pas d'amour, Dieu n'agit pas. Il est toujours présent au dedans de l'homme pour agir encore faut-il que l'homme rejoigne ce dedans de lui-même.
Dieu ne peut agir que selon le degré de notre ouverture à son Esprit.
Ce n'est pas nous qui créons Dieu, mais c'est nous qui le révélons. Car Dieu ne peut entrer dans notre histoire qu'à travers nous.
Si l'homme ne se laisse pas animer par l'Esprit, l'Amour créateur, il peut s'auto-détruire et entraîner avec lui l'univers dans sa ruine (une catastrophe nucléaire à l'échelle mondiale n'est plus un mythe !). Un monde qui ne serait pas au service de la croissance de l'homme spirituel, mais qui serait asservi par notre égoïsme collectif, peut être entraîné dans notre auto-destruction
L'histoire de notre humanité est une longue "ascension" vers le Christ Total où habite "corporellement toute la Plénitude de la Divinité. " Le chrétien proclame dans son credo: "Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre"
Cette création est-elle une histoire du passé ou une genèse permanente ?
" Dieu m'invente chaque jour avec moi-même "

Michel Hubaut, franciscain