À Lourdes la Vierge Marie manifeste une fois de plus son amour des visites.
En cela elle est très féminine, très maternelle, très orientale ; heureuse de rendre visite à des personnes souvent pauvres, souvent jeunes et de les voir revenir, fidèles aux rendez-vous qu'elle leur donne: à Fatima 6 fois; à Beauraing 30 fois, à Lourdes 18 fois: Marie la visiteuse, Marie de la Visitation, Marie, porteuse de la Parole de Dieu, aime les rendez-vous de la prière, de l'angélus, du chapelet. Son fils à son école fera de même: à la veille de quitter visiblement la terre, il inventera l'Eucharistie, cette forme de présence qui lui permettra de poursuivre entre nous et Lui ses rendez-vous d'amour.
Comme disait le cardinal Martin, archevêque de Toulouse, " tout ce qui fait la joie du cœur de Jésus fait le bonheur du cœur de sa mère ". Ce bonheur, elle le partage à ses voyants, durant ses visites. Marie est la visiteuse par excellence, parce qu'elle-même a été visitée, non seulement par le messager de l'Annonciation, mais dès avant sa conception, par Dieu lui- même qui l'a choisie, prédestinée à être comblée de grâce, à devenir la mère de son Fils, Lui, l'Envoyé, le visiteur incognito de nos vies.
Marie aime rendre visite; aime nous rendre visite ; et nous? aimons-nous lui rendre visite, la recevoir en nous comme le disciple bien-aimé ? Soyez remerciés en tout cas des visiteurs que vous savez accueillir dans vos monastères et que vous portez dans votre prière.
La Vierge Marie éduque également par les signes qu'elle fait, toujours chargés de sens dans leur simplicité :
ses gestes sont porteurs du message divin.
Dès le 11 février 1858, après le signe du coup de vent, elle arrive, vêtue de blanc. L'adolescente de 14 ans décrit en détail son vêtement, sa robe, son voile blanc, sa ceinture bleue, la rose jaune sur chaque pied, couleur de la chaîne de son chapelet " dont elle faisait courir les grains" après avoir fait le signe de la croix. Déjà par ces simples signes, elle se fait l'éducatrice de la prière des humbles. De même, lors de la deuxième apparition, où elle n'est que sourire : " Plus je lui jetais de l'eau bénite, plus elle souriait". Les messages d'en haut se contentent de peu. Quoi de plus simple qu'un sourire ? Mais savons-nous sourire ? et souvent, chaque jour ? Ou restons- nous si sérieux ou même si revêches ou bougons que nous avons perdu l'usage de cette humble veilleuse du visage qu'est le sourire ?
Lors de la huitième apparition, le 24 février, la Vierge lui demande de monter à genoux et de baiser la terre ; puis le lendemain, de manger de l'herbe qui est là et d'aller boire à la source sous le rocher, dont l'eau était comme de la boue. Il faudra du temps pour découvrir le sens de ces gestes bizarres, gestes bibliques qui rendent visible le visage intérieur du pécheur maculé de boue et l'état du serviteur souffrant mené comme l'agneau à l'abattoir, objet de mépris, chargé de nos douleurs; avant l'eau pure, le stade de la boue, puis de l'eau trouble et enfin de l'eau pure: toute une symbolique, tout un itinéraire. Mais Bernadette respecte ce que lui dit la Vierge: " La dame vous fait manger de l'herbe; elle vous prend donc pour une bête! " lui demande-t-on un jour, faussement horrifié, pour la piéger ; mais la riposte est immédiate: " Quand vous mangez de la salade, vous vous prenez donc pour une bête! "
Relevons ici deux points :
Le premier, c'est la façon dont la Vierge introduit cette fille des champs dans l'univers biblique et même dans toute une catéchèse biblique : elle lui apparaît en effet dans une grotte, lui fait faire le signe de la croix, traverser le torrent, se déchausser, marcher à genoux, souiller son visage de boue et brouter l'herbe, comme brebis au pacage, découvrir une source! il y a là toute une symbolique biblique! elle rejoint sans le savoir des scènes et des personnages de la bible ; elle vit comme eux des expériences qu'ils ont vécues; elle devient, toujours sans le savoir, l'une des leurs ; sans le savoir, sœur de Moïse, sœur de Gédéon, sœur d'Elie, sœur d'Isaïe, sœur du serviteur souffrant et de tant d'autres, sœur de Jésus. Et nous, qui, dans la Bible, nous plaisons-nous à rejoindre pour aller à Jésus ?
Notons aussi dans ces apparitions de Lourdes, le rôle important du décor et des éléments : l'eau, la terre et le feu ; tout cela en plein air, en plein vent ; le rôle du corps humain : du regard, du sourire, des mains, des genoux, de la bouche ; toute une anthropologie, toute une gestuelle par laquelle un message de renouveau spirituel s'incarne et rayonne ; le corps humain au service de la Parole de Dieu, du message du salut.
À ce sujet une question : l'Esprit-Saint n'est-il pas en train de susciter quelque part dans le monde, dans d'autres cultures, peut-être même dans d'autres églises, des formes liturgiques plus adaptées aux rythmes et sensibilités de notre temps ? À nous d'y être attentifs de façon lucide et bienveillante. N'auriez-vous pas à susciter dans vos monastères des rencontres d'artisans, de maîtres compagnons, ou d'artistes ?