Ecoute

la première parole de l'acte de création est un commandement à «être» pour celui qui « n'est pas » et  l'exécution  de cet ordre est immédiate : "Il dit et cela est"

la première Parole de la Trinité "ad extra" donne naissance à la Création qui l'entend en même temps  qu'elle accède à l'être.  La Création entend la Parole en même temps  qu'elle accède à la Vie. La première écoute de celui qui n'est pas encore est celle de l'obéissance qui lui commande de vivre et en même temps lui donne Vie - Sa Vie

l'obéissance ne se comprend donc pas comme une  violence subie par la Création de la part de la Parole qui la crée, mais comme un acquiescement immédiat à l'appel et à la promesse de la Vie offerte - l'obéissance  n'est pas une soumission d'esclave à l'égard  de son maître et devant lui, mais une adhésion avide  au « vouloir-être » que lui propose Dieu  en lui offrant  d'avoir part à sa propre Vie, avec Lui

il y a primauté de l'initiative de l'amour qui appelle à la Vie et L'offre, et simultanéité de qui entend et répond "oui" à la Vie présentée

l'obéissance est bien alors l'inverse de la servilité, elle est partage d'un même acte dans la vérité du rapport du Créateur et de Sa  créature, dans un même projet voulu d'une part puis accepté, accueilli et voulu de l'autre

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l'obéissance est à la fois réponse libre d'une autonomie donnée, et dépendance voulue pour la Vie

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il y a primauté de l'Amour qui appelle à la Vie et - en même temps - réponse simultanée de qui entend et acquiesce, et reçoit le don de la Vie                                     

                                                          

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l'acte de commandement du Créateur est alors marqué par la faiblesse et la vulnérabilité de qui aime et craint que son amour, qui appelle à la Vie, ne soit un jour repoussé

la créature finie devient aussitôt capable de Dieu infini, mais la faiblesse est du côté de l'autorité qui appelle à l'Infini et qui redoute de n'être pas entendue par le fini - la position de force est la part de l'appelé fini qui reste libre de refuser le bonheur infini

le moine, à l'appel de Dieu et dans l'obéissance, à la suite d'Abraham, quitte ses limites et sa finitude, sans assurance autre que la foi, et part pour l'infini qui l'appelle sans cesse hors de lui-même, vers la Vie

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le moine obéit sans délai, en renonçant à sa volonté propre : ordre entendu et obéissance  sont un seul acte pour la Vie

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dans son acte d'obéissance, le moine ne comprend pas ce que dit Dieu, mais il entend Dieu qui lui parle et l'appelle - il obéit parce que Dieu a parlé et non pas à cause du contenu de la parole de Dieu

l'obéissance du moine comme celle d'Abraham est libre et ne s'appuie sur rien d'humain - il se prouve ainsi qu'il s'ouvre à Dieu au-delà de la raison, dans la foi - et il conteste ainsi la primauté de la raison, sourde à ce qui n'est pas elle et il montre que l'homme est capable de ce qui le dépasse, l'Infini

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Dieu demande au moine de L'accueillir d'emblée, sans question, et le moine s'en remet alors en toute liberté, dans la foi donnée par Dieu en même temps que l’être, à la responsabilité de Dieu. Il sait en qui il se fie.

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en renonçant, par une décision fondée sur la foi, à son pouvoir (illusoire) de diriger lui-même son action pour l'intégrer dans l'acte de Dieu, le moine se laisse insérer par Dieu Lui-même dans Son Acte

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le moine n'idolâtre pas l'observance extérieure qui n'est qu'un moyen de son action : son projet est l'adoration. Et cet acte d'adoration qu'il fait de sa vie et qui  est inséré au fond de son être-moine par l'Esprit de Dieu, fait de lui un moine observant                 

sans l'Esprit, l'obéissance se dégrade en observance plate et vide - "l'observance pour l'observance" = une idole

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la situation du moine est à la fois formulée et prévue par la Règle des moines et contrôlée par elle ; et c'est dans cette orientation juste, que lui donne la Règle, qu'il réalise sa Vie

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la valeur des actes du moine dans le cadre de son monastère suppose et impère une participation de tout son être, une compréhension intérieure de la Règle des moines et la liberté intérieure qu'elle exige et donne sans fin

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la vie du moine est une adhésion totale au dynamisme des échanges trinitaires où il s'insère à l'appel de Dieu, et au partage de la Vie de Dieu qui exige tout pour donner tout. Échange total - dès ici-bas.        

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