UN ABBÉ AU SERVICE DE SES FRÈRES.
A la mort de Louis le Pieux, Odon ayant tardé à reconnaître Charles le Chauve est déposé par lui et Loup est élu à sa place en novembre 840, ce qui ne va pas sans quelques difficultés et des menaces venant de l'extérieur.
Tout d'abord, Loup se montre soucieux du bien-être de sa communauté.
A ce moment-là, les moines de Ferrières sont en proie à la plus grande détresse. La Celle de St Josse-sur-mer dans le Pas-de-calais qui leur appartient depuis longtemps vient de leur être enlevée par Charles le Chauve. Et c'est elle qui leur fournit la cire, le fromage, le poisson, les légumes et, en partie, le grain et les vêtements. Au nombre de 70, ils n'ont plus les moyens de vivre honnêtement.
Dans plusieurs lettres adressées, soit à Louis, Abbé de St Denis, soit à Hincmar, archevêque de Reims, Loup s'en explique : "Vous avez appris la perte subie par notre monastère lorsque le roi, sans aucune faute de ma part, nous enleva la Celle que son père nous avait accordée par un édit ... C'est pourquoi nous sommes réduits à une telle disette que cette année, c'est à peine si nous avons une provision de blé pour deux mois. Nos serviteurs, dont nous ne pouvons nous passer sont presque nus. Nous ne savons que faire. La plupart de nos frères n'ont pour couvrir leur nudité que des vêtements usés et déchirés. La pauvreté nous empêche d'exercer, comme jadis, l'hospitalité ; dans ce temps de troubles nous avons épuisé les économies de nos pères et nous n'avons plus qu'à demander au roi l'indulgence et à Dieu la patience."
Finalement Loup ne craint pas de s'adresser au roi. Mais ce n'est qu'après bien des promesses violées et des espérances déçues que la Celle de St Josse lui est restituée en 851.
Une autre de ses préoccupations est celle de bien administrer les biens de la communauté.
Il s'occupe avec une active sollicitude de mettre en rapport les terres du monastère.
Toutes les cultures nouvelles, tous les procédés nouveaux sont admis et essayés. Partout où il va, il importe la culture de la vigne.
Voici les consignes qu'il donne à Folcric, évêque de Troyes, qui lui propose un refuge en cas de danger :
"Que les bâtiments soient tenus en bon état, le jardin soigneusement cultivé ... qu'on plante en vignes les terrains qui lui sont propres à cette culture ... afin que, si à raison de nos péchés, l'extrême nécessité, comme il est à craindre, nous y contraint, l'âpreté de notre retraite soit adoucie par ces ressources."
Beaucoup de monastères voisins s'adressent à lui quand ils veulent avoir quelque beau fruit ou quelque plante inconnue. Hincmar, archevêque de Reims, lui demande des pommes de pin. Loup s'empresse de lui en expédier autant que son messager peut en porter, c'est-à-dire dix.
Enfin, dans son rôle de père spirituel de la communauté, Loup ne néglige rien pour instruire et sanctifier ses frères.
Doute-t-il de la vocation d'un novice, il le confie aux moines de St Germain d'Auxerre, en les priant de fortifier ses bonnes résolutions.
Trouve-t-il parmi ses religieux quelques hommes d'une grande piété, il les envoie en pèlerinage à Rome. Tel est le désir des frères Aldulphe et Acaric. Loup n'hésite pas à les recommander aux évêques de France et d'Italie et même au pape Benoît III : "Il convient, dit-il, que partout où ils retrouveront leur religion, c'est-à-dire la religion chrétienne, ils retrouvent leur patrie et que vous receviez en amis ceux qui vous recevront un jour dans les tabernacles éternels."
Il voudrait surtout trouver suffisamment de repos pour continuer à s'instruire et instruire les autres. Lorsqu'il était à Fulda, il n'avait pu se résoudre à apprendre la langue germanique. Mais reconnaissant les inconvénients de cette ignorance, il confie à son ami Marcward, Abbé de Prüm, en Germanie, son neveu et deux autres jeunes gens qui se destinent à la vie monastique, afin de leur faire apprendre l'allemand dont la langue, dit-il, "est indispensable de nos jours, et que les paresseux seuls ignorent."
Ayant la passion des livres depuis sa jeunesse, il désire également doter son abbaye d'une belle bibliothèque.
Il recherche partout les meilleurs manuscrits. Il entretient pour cela des échanges de livres avec les monastères de France, mais il en fait venir de Germanie, de l'abbaye de Prüm, en particulier. Il en demande aussi en Angleterre à l'Abbé Altsig d'York où le souvenir d'Alcuin est encore vivant et à Rome qui garde un prestige de grandeur et de science.
Par l'intermédiaire des moines Aldulphe et Acaric venus en pèlerinage à Rome, il ose s'adresser au pape Benoît III : "Nous demandons à votre Sainteté les commentaires de St Jérôme sur Jérémie depuis le sixième Livre jusqu'à la fin, le traité de l'Orateur de Cicéron et les douze livres de l'Institution oratoire de Quintilien. De ces auteurs, nous aurons soin de vous restituer les oeuvres, en même temps que le manuscrit de St Jérôme si, avec la permission de Dieu, votre libéralité nous les accorde."