Saint Wandrille

petit-moine-1.jpgSAINT WANDRlLLE
fondateur de l'abbaye de Fontenelle, dans la région de Rouen, au VIIe siècle.
 

Ce jeune aristocrate que ses biographes nous dépeignent comme grand, beau, distingué, riche, entra au service de Dagobert alors roi des Francs, puis devint comte du palais. Ayant décidé de quitter la cour, Wandrille commença un long périple d'initiation à la vie monastique qui le conduisit jusqu'à Bobbio et Romainmôtier, pour s'achever dans le diocèse de Rouen, aupr ès de St Ouen, où il fonda le monastère de Fontenelle.

SES ANNEES DE FORMATION

 
St Wandrille naît à la fin du VIe siècle dans la région de Verdun. Son père Wolchise était proche parent de Pépin l'Ancien, fondateur de la famille carolingienne, à un moment où Dagobert, délégué par son père Clotaire II, séjournait à Metz. C'est donc dans un milieu d'aristocrates que Wandrille reçut sa formation et exerça ses premières fonctions.
Aussi, en 629, Dagobert l'emmena avec lui à la Cour de Neustrie où Wandrille se lia d'amitié avec Didier, le trésorier, futur évêque de Cahors, Dadon, le Chancelier et futur évêque de Rouen qui deviendra St Ouen, et Paul, futur évêque de Verdun.
Wandrille exerça à la Cour la charge d'administrateur des domaines royaux. Son biographe note que dès cette époque "il remplissait son office avec un grand sentiment de piété, ayant l'esprit continuellement occupé par la méditation des vérités célestes. Il exécutait loyalement les ordres du prince, rendant à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. On le vit partout dévoué au Christ et soumis au roi comme le prescrit l'Apôtre. Il fut ferme dans la foi, prompt dans la pratique des bonnes œuvres, d'une bonté et d'une charité éclatantes. On admirait sa sagesse dans toutes ses actions et l'amour qu'il avait pour tout le monde. "
Mais bientôt ses parents voulant sauvegarder les propriétés foncières dans la famille, résolurent de le marier et lui imposèrent comme épouse une jeune fille dont la beauté et les qualités étaient dignes des siennes. Pour lui, il songeait déjà à la vie monastique et voulait garder le célibat. Ce qu'il y a de certain, c'est que sa fiancée était dans les mêmes dispositions. Après leur mariage, ils furent donc tous deux d'accord pour se retirer chacun dans un monastère.
Ce jeune aristocrate de 30 ans ne tarda pas à se retirer dans une de ses propriétés des forêts de l'Argonne auprès de Baudry, un ascète qui avait fondé un ermitage à Montfaucon.
Mais le roi Dagobert ne fut pas d'accord et lui donna l'ordre de paraître à la Cour. Il était un serviteur trop précieux de la couronne pour pouvoir ainsi disposer de son temps et de sa personne. Wandrille ne résista pas. Mais il parut à la Cour, tondu et vêtu de bure, réclamant comme Martin de Tours de servir le roi du Ciel après avoir servi le roi de la terre. Dagobert, qui avait la plus haute estime de la vie monastique et la plus profonde admiration pour son collaborateur, n'osa le retenir : il lui octroya son congé définitif. Dès lors, son séjour auprès du vieillard Baudry fut de courte durée. Ce temps de probation l'orienta vers une retraite plus lointaine et plus dure.
 

LES ETAPES DE SA VIE MONASTIQUE

Toujours attiré par la spiritualité de St Colomban, Wandrille s'installa dans le duché d'Alsace, au pied du Mont Terrible, dans un ermitage qu'avait fondé St Ursanne. Là, pendant un certain temps, il mena la vie érémitique. Son biographe nous rapporte que "le jeune homme aux yeux ravissants, au teint de lys, aux mains longues et fines qu'il entretenait dans une exquise propreté", s'exerçait à l'oubli et à l'abandon de toutes choses à l'aide de jeûnes, de veilles, de prières interminables, étendant, lorsqu'il ne pouvait résister au sommeil, son corps amaigri sur la terre nue. Le démon, voyant ses progrès dans la vie spirituelle, l'assaillait cruellement, de jour et de nuit. Alors il multipliait les psalmodies, et même, pour résister, se précipitait dans un étang glacé, à la façon des moines irlandais.
Enfin, n'étant pas encore satisfait de son expérience, il songe à quitter cet ermitage et à voyager pour le Christ. Il veut faire un pèlerinage à Bobbio, monastère italien où St Colomban s'était retiré. Il est accueilli par l'Abbé Bertulf, un ancien moine de Luxeuil. Peut-être y mena-t-il une vie semi-érémitique ? Du moins, sa présence ne passa pas inaperçue. Son acquit ascétique, sa douceur, sa vie intérieure intense, l'ascendant de sa naissance, lui valurent l'admiration des moines, renforcée par le charisme prophétique qu'il possédait dès lors.
Mais, pour fuir cette nouvelle renommée, une vision nocturne l'invita à partir de nouveau en pérégrination et à venir finir ses jours en Irlande, auprès de ses maîtres.
Toutefois, auparavant, il obtint l'autorisation de se rendre à Rome, là où est le tombeau de Pierre, patron des abbayes colombaniennes. Tout d'abord, il accomplit la visite traditionnelle des basiliques, puis il fréquenta les monastères bénédictins de la Ville Eternelle : le Latran et St André du Mont Coelius, s'informant, en particulier, des usages monastiques en vigueur dans ces communautés.
De là, traversant les Alpes par Aoste et le col du St Bernard, suivant le cours du Rhône, il atteignit le Jura entre les lacs de Genève et de Neufchâtel comme s'il avait l'intention d'aller à Luxeuil. Au pied des pentes, il s'arrête à Romainmôtier, ermitage fondé par St Romain au Ve siècle, à 30 kilomètres de Lausanne. Ce monastère, détruit en 610, avait été repris par les disciples de St Colomban. Wandrille, accueilli par l'Abbé Syagrius, y séjourna une dizaine d'années.
Là, il mena la vie de communauté, s'adonnant à une ascèse plus intérieure, telle la vie cachée, le silence, la célébration de l'office, l'obéissance et la modestie du rire.
A ce sujet, voici ce que nous rapporte un de ses biographes : " Montant toujours sur les cimes de la sainteté, il s'adonnait à l'humilité et fuyait la vaine gloire, aimant la douceur, cachant ses bonnes œuvres par crainte de la popularité, évitant avec soin les fautes les plus légères, ignorant, quoique toujours ouvert et gai, le rire bruyant, prompt à accomplir les commandements de Dieu. On remarquait encore en lui sa parole mesurée, sa gaieté et son affabilité dans les relations, tempérées cependant par la prudence. Il était obéissant, recevant comme l'ordre de Dieu tout ce qui sortait de la bouche du Supérieur. "
Cependant, il ne put se résoudre à rester là toute sa vie. Un ange l'avertit que Dieu l'attendait ailleurs et que son neveu Gond l'aiderait dans de nouvelles fondations.
 

LA FONDATION DE FONTENELLE PAR ST WANDRILLE

 
Ayant appris que son ami Dadon avait été nommé évêque de Rouen, Wandrille quitta alors le Jura pour la Neustrie. Là, il accepta d'entrer dans le clergé de Rouen. En effet, il est fait sous-diacre et diacre par St Ouen ;
enfin St Omer, évêque de Thérouanne qui se trouvait à Rouen, l'ordonne prêtre. Il se peut que St Ouen ait voulu ainsi modérer l'exploit ascétique de Wandrille en le faisant travailler à la pastorale de son diocèse.
En effet, Wandrille seconde St Ouen, évangélise les païens comme le faisait à la même époque St Omer dans son diocèse de Thérouanne.
Mais cette vie active ne lui convient pas. Il reste désireux de retrouver la solitude, et en 649 St Ouen lui accorde finalement la possibilité de s'installer dans le vallon de Fontenelle, affluent de la Seine. Cette région marécageuse et boisée appartenait à Erchinoald maire du palais de Clovis II qui avait succédé à Dagobert.
A la demande de St Ouen, Erchinoald vendit cette terre au jeune Gand, le neveu de Wandrille. Non loin de là, les ruines d'une ancienne ville romaine fournirent les pierres pour la construction.
Wandrille construisit une église dédiée à St Pierre et des oratoires consacrés à St Paul, St Laurent et St Pancrace martyr romain dont le culte était cher aux celtes.
Les débuts de la vie au monastère furent rudes. Wandrille et ses moines travaillaient toute la journée, et, comme le dit un texte monastique, "les moines se rendaient au lit exténués, presque en dormant." A peine se sont-ils reposés, qu'ils se lèvent pour prier et pour travailler de nouveau.
Wandrille donne l'exemple. On défriche, on assèche les marécages, on plante même de la vigne près de la chapelle St Saturnin.
A Fontenelle, peu de place au travail intellectuel. Les moines apprennent à lire, à chanter, cela suffit. Wandrille n'encourage d'ailleurs que la lecture de la Bible et des Pères. Les hommes lettrés qui entrent au monastère doivent oublier ce qu'ils savent et se convertir à une nouvelle culture monastique. Par ailleurs, le travail manuel oblige les moines à entrer en relation avec les paysans d'alentour encore à demi païens. Wandrille ne cherche pas à les convertir par la force, mais par l'exemple et la douceur. Si par hasard il leur reproche un peu durement leur impiété, il se met à genoux et leur demande pardon, à la manière monastique.
Dans l'organisation de la vie du monastère, Wandrille laissa St Gond s'occuper des affaires temporelle ; lui-même veillait sans relâche au progrès spirituel de ses moines. On relevait chez lui ces mêmes qualités d'humilité et de douceur qui l'avaient fait admirer à Romainmôtier. Son humilité et sa science des Saintes Ecritures faisaient de lui un apôtre et peut-être plus encore un directeur de conscience incomparable. Ses premiers biographes nous ont gardé des extraits de ces belles exhortations qu'il donnait à ses moines:
"mes petits enfants, disait-il, gardez-vous de toute souillure du monde. Aujourd'hui nous vivons. Que sera demain ? Nous l'ignorons. Rappelons-nous bien notre médiocrité de jadis. Nous étions fils de ténèbres, et, par la miséricorde de Dieu, nous avons obtenu le pardon et sommes devenus enfants de lumière. Donc, renonçons aux œuvres des ténèbres et marchons à la lumière des préceptes du Christ. Prenez garde que le démon ne vous prenne au piège de la haine mutuelle, mais au contraire, unis dans la charité, aidez-vous les uns les autres dans la crainte du Seigneur. Cela suffira à mettre votre ennemi en fuite ; il ne peut en effet s'approcher de celui qu'il voit uni d'esprit et de cœur avec ses frères. "
 

SES DERNIERES ANNEES

 
Bientôt, son neveu Gond, jugeant peut-être son œuvre terminée à Fontenelle, ou en voie de l'être, quitta le monastère et s'en fut mener la vie érémitique en Champagne, à Oyes, près de Sézanne.
C'est à cette occasion que le biographe fait allusion à l'état de fatigue et de lassitude de St Wandrille, provoqué par ses infirmités. Il ne pouvait plus se tenir à cheval ; il lui fallut, contrairement aux usages, faire ses voyages dans une voiture tirée par des mules. Jusqu'à son dernier moment cependant il voulut donner à ses disciples l'exemple du travail, et on le voyait prendre part aux labeurs conventuels dans les limites de ses forces déclinantes. On l'entendait répéter ce verset du psaume 129 : "hélas, mon exil se prolonge ; j'ai vécu avec les habitants des ténèbres, ma vie a été errante. "Et il ajoutait : "ô bon Jésus, délivrez-moi, je désire tant vous voir. "
Le jour souhaité arriva enfin le 22 juillet 668. Pendant les trois jours et les trois nuits qui précédèrent ce bienheureux moment, il resta dans une extase continuelle qui lui retirait toute conscience de son entourage ; ses yeux, fixés sur une réalité invisible aux autres, étaient baignés de la joie éternelle. Autour de lui, les disciples sanglotaient, et certains osaient supplier le Ciel de ne pas leur prendre leur maître. Quelques heures avant de mourir, il reprit conscience des choses de la terre et voulut donner à ceux qu'il laissait un dernier message :
"Sachez bien que si vous demeurez dans le genre de vie que je vous ai enseigné, que si vous vous souvenez de rester fondés inébranlablement sur l'unité, la charité, l'humilité, et d'éviter toute dissension entre vous, votre sort sera toujours favorable. Dieu sera avec vous chaque jour, il vous consolera et vous aidera dans toutes vos difficultés ... "
Et, avant de rendre son âme à Dieu, il leur désigna les disciples qui continueraient son œuvre : Lambert et Ansbert. A l'unanimité, Lambert fut élu Abbé de Fontenelle, futur évêque de Lyon.

SON CULTE

 

Une première élévation eut lieu le 31 mars 704, lorsque ses restes, ceux d'Ansbert et ceux de Wulfran furent transférés de la petite basilique cémétériale St Paul en l'abbatiale St Pierre.
Lors des invasions normandes qui, sur l'estuaire de la Seine, menacèrent Fontenelle puis la détruisirent, les moines transportèrent les restes à Etaples, sur les bords de la Canche, puis à Chartres et enfin à Boulogne.
L'Abbé Gérard de Brogne, restaurateur de l'abbaye du Mont-Blandin à Gand, ramena en cette abbaye St Pierre, en 944, la majeure partie des reliques de Fontenelle. Rapportées en partie à Fontenelle, sous l'Abbé Robert au XIe siècle, elles furent saccagées au cours des Guerres de Religion.
La tête de Wandrille, conservée longtemps à l'abbaye de Maredsous, a été rendue à l'abbaye de St Wandrille le 21 décembre 1969. Inscrit de longue date dans des martyrologes locaux, St Wandrille est inscrit au martyrologe romain le 22 juillet, jour de sa fête, à laquelle s'ajoutent les anniversaires de deux translations, le 31 mars et 3 septembre.