Le pauvre Lazare est là, mourant de faim « à sa porte », mais l’homme riche évite tout contact et continue à vivre « fastueusement », ignorant sa souffrance. Il ne franchit pas cette « porte » qui le rapprocherait du mendiant. À la fin, il découvre avec horreur qu’un « grand abîme » s’est creusé entre eux. Cette parabole est la critique la plus implacable de Jésus à l’égard de l’indifférence, face à la souffrance de nos frères et sœurs.
« Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas », écrit saint Jean l’Evangéliste.
L’homme riche de la parabole ne voyait pas Lazare ; et donc cet homme trop riche de lui-même ne put connaître Dieu dans l’au-delà.
La description de ce qui arrive dans l’autre monde éclaire la vie sur cette terre.
Le mauvais riche, en vérité, a passé toute son existence dans l’ignorance : il ignorait Dieu autant que les hommes ; il ignorait son égoïsme et sa suffisance. Il était si bête qu’il ne savait même pas à quel point il était ignorant ! Ainsi en va-t-il de notre pauvre humanité : endormis, assoupis sous le poids de nos mauvaises habitudes, nous passons nous-mêmes à côté de la vie des autres.
La peur de l’enfer – si nous l’avions encore – nous réveillerait peut-être… Jésus-Christ, en nous offrant cette parabole semble l’espérer… mais il ne paraît pas se faire beaucoup d’illusions :
« Abraham dit (au mauvais riche) : 'Ils ont Moïse et les Prophètes : qu'ils les écoutent !
— Non, père Abraham, dit le riche, mais si quelqu'un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.'
Abraham répondit : 'S'ils n'écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu'un pourra bien ressusciter d'entre les morts : ils ne seront pas convaincus.' »
Nous croyons que Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts. Nous croyons que sa Parole vient jusqu’à nous pour susciter, en chaque croyant, une vie nouvelle. Sommes-nous pour autant convaincus ?
Dieu voudrait que, sans attendre, nous devenions lucides : s’il menace de l’enfer c’est pour nous forcer à réagir contre notre torpeur. Bienheureuse crainte de l’enfer lorsqu’elle nous stimule, aiguise notre regard, nous pousse à inventer des comportements nouveaux et à sortir de nos ornières !
Bienheureuse crainte de l’enfer qui nous permet de découvrir l’enfer que nous créons sur cette terre !
Bienheureuse crainte qui nous pousse à réagir ! Mieux vaut convertir nos comportements par crainte de l’enfer que de demeurer d’éternels endormis !
Dépasser la crainte
Cependant cette crainte n’est qu’un point de départ… Dieu veut, bien sûr, que nous la dépassions pour devenir capables d’actes gratuits. Il veut que nous aimions en actes et en vérité, sans rien chercher d’autre que d’aimer toujours davantage.
La crainte de l’enfer n’est qu’un point de départ mais il est parfois prudent d’en revenir au commencement.
Dieu veut que nous ayons le goût de la victoire. Dans ce combat contre la haine et l’indifférence, il faut gagner !
La peur de l’enfer est le premier pas pour nous sortir de nos égoïsmes.
Dieu espère contre toute espérance que ce premier pas étant posé nous trouverons goût à aller de l’avant, à aimer pour aimer et non par crainte d’un châtiment.
Lorsque l’Amour est vainqueur toute crainte disparaît !
Alors… commençons !