Chasteté


Chasteté

 
Du jour de sa profession, le moine sait qu'il n'aura plus aucun pouvoir sur son propre corps
(Chapitre 58)
L'incarnation réclame des corps. En premier lieu, celui d'une jeune juive. Et on l'appellera " la Vierge ".
Dieu manifeste par Marie que la vraie virginité est dans l'être humain la plénitude de l'amour.
" Est vierge celle qui épouse Dieu" (saint Ambroise)
Dieu a épousé Marie comme aucun corps jamais ne l'a été, corps épousé par l'amour même.
La merveille n'est pas tant qu'elle demeura vierge en devenant mère mais qu'elle fut tellement vierge, tellement remplie de Dieu qu'elle devint sa Mère.
 
La démarche du religieux n'exclut pas plus la vie du corps que le mariage la vie de l'âme. Les deux vocations pour s'épanouir mobilisent l'être total, corps et âme. Pas plus que l'homme n'est seulement ou chair ou esprit, sa plénitude n'est seulement ou charnelle ou spirituelle.

La chair n'est pas en soi plus mauvaise que l'esprit. Mais l'un comme l'autre se trouvent marqués de faiblesse, de tiraillement, de désordre. C'est toute la nature, chair et esprit indivisible ment, qui depuis le péché est demeurée blessée. Autant voit-on l'esprit vouloir corrompre la chair que la chair l'esprit. Et l'on ne saurait dire si, dans ce qu'on appelle "la tentation de la chair " , c'est celle-ci plutôt que l'esprit qui se trouve la première sollicitée.

L'homme chaste affronte en lui ce désordre. En tout état de vie, sa force d'homme, sa maturité, sa dignité se traduiront dans la soumission ordonnée de sa chair de moins en moins faible à son esprit de plus en plus purifié. La chasteté exprime le consentement effectif de l'homme, sa reconnaissance absolue du souverain domaine du Seigneur sur lui. Et plus elle est parfaite, plus elle est significative. Elle est chez l'homme le meilleur langage de son espérance, la preuve sensible donnée à Dieu autant qu'aux hommes que son désir va au-delà de ce monde, que son amour dans la foi transcende cette vie.
Dans ce monde qui s'idolâtre, la chasteté radicale du religieux comme du prêtre se dresse en témoignage de la vraie richesse, en signe de bonheur plénier, en promesse de l'éternelle joie. Elle éveille, entraîne, aide tout homme de bonne volonté à dominer les appels de la chair pour se soumettre à ceux de l'Esprit.

Car c'est un fait remarquable que la première, la plus sublime, la plus pure des chastetés se soit vécue, accomplie, épanouie au sein d'un couple, d'un foyer, d'une famille. Marie et Joseph, comblés de Dieu dans ce fils qui est d'abord le sien, se retrouvent l'un l'autre en lui dans une union parfaite. La sainte famille montre et ouvre la voie à toute chasteté.

Qu'elle soit religieuse, sacerdotale ou conjugale, la chasteté est toujours la réponse libre et d'amour à l'appel que fait à l'homme l'Esprit de Dieu pour qu'il se dépouille, se renonce, s'appauvrisse de lui-même au profit de la vie en lui de cet Esprit même. L'homme chaste est un pauvre qui a choisi Dieu.

La chasteté n'est pas mépris pour le corps. Bien au contraire. La réalité corporelle est au centre de la foi comme la source de la lumière : " Prenez et mangez; ceci est mon corps ".

Et ce n'est pas seulement notre âme qui se nourrit de l'eucharistie, comme un bon livre est une nourriture spirituelle. Le Christ a voulu une communion corporelle de l'homme à lui en sorte que leurs êtres mêmes pussent se rencontrer et se fondre l'un dans l'autre en totalité.

La chasteté n'est donc pas un corps qui se refuse mais qui se donne plus qu'aucun corps. Elle exprime que la destination du corps est d'aimer Dieu et d'être à lui. L'homme chaste voue son corps au Seigneur : il participe au sacrifice des martyrs, c'est-à-dire à celui du Christ. Il faut donner son corps à Dieu.