Liturgie


Liturgie
 
 
 
Que rien ne soit préféré à ['œuvre de Dieu
(Chapitre 42)

L'œuvre de Dieu est œuvre d'Eglise : le moine prie dans l'Eglise. Et il prie en communauté : il s'insère dans l'Eglise en sa communauté monastique.
Le moine s'adonne corps et âme à cette œuvre sainte entre toutes qu'est la prière de l'Eglise, la liturgie. Cette prière est toute sa vie, et toute sa vie est cette prière : jour et nuit, au-dehors comme au-dedans du monastère, partout où le place l'obéissance, le moine, en toutes ses activités, ou prépare ou fait ou illustre la liturgie.
La vie du moine se veut tout entière un culte rendu à Dieu, un hommage de gloire, l'office développé.

La vocation de saint Benoît est au cœur de l'Eglise, là où parle l'Epouse à l'Epoux, où elle lui dit tout son amour, où elle l'aime dans le secret.
Le moine est voué au service de cet amour, abstrait à cette fin de la société ordinaire des hommes. Il doit assurer dans l'Eglise la fonction de l'Epouse.
Ainsi se sent-il vivre au centre du monde, dans la réalité essentielle de l'amour, chargé d'entretenir en permanence et au nom de tous le tête-à-tête fondamental de l'Eglise avec son Christ, du Christ avec son Eglise.
Le moine sait que l'Eglise ne peut être de par le monde une mère féconde qu'en se donnant sans cesse à son Epoux, en demeurant en Lui. Il sait que lui incombe, à lui le premier dans l'Eglise, cet échange constant de l'amour entre ciel et terre.
Le moine fait profession d'aimer. Toute sa mission est là.
La prière chorale est le moment aigu de cet amour. Avant toutes choses et plus que tout homme, le moine est responsable de sa prière. La prière est son devoir d'état, on pourrait dire son métier. Il implore avec le disciple la grâce de toute sa vie : " Seigneur, apprends-nous à prier" (Lc 11,1).
La prière est un combat. La longueur, la fréquence et la régularité de l'Office divin menacent de routine ou de suffisance.
Se garder de l'un comme de l'autre écueil, en collant son âme le mieux possible, en la coulant, en la moulant sur les paroles de prière que l'Eglise a sur les lèvres, telle est la vraie prière.
La valeur de la prière tient essentiellement aux dispositions profondes de celui qui prie : elle dépend de l'intensité du désir de l'homme de s'unir au Christ priant, et de son humble sentiment de ne rendre à Dieu de toute manière par son propre fait qu'un imparfait hommage.
Le moine doit tendre ses forces à ce chef-d'œuvre d'une prière humble et aimante.

La stérilité de la prière ne peut avoir d'autre cause que sa tiédeur ou sa suffisance, la tiédeur ou la suffisance du cœur. La prière est amour ou elle n'est pas.
Dans le Christ priant, le moine est présent au monde en même temps qu'à Dieu.
Celui qui prie monte sur la croix. Il affronte avec le Christ toutes les forces actuelles du mal. Il oppose aux mille affreux visages de la misère du monde la face radieuse du Christ priant à chaque instant dans son Eglise.

Dans la conscience vive de cette double actualité, du péché et du salut, le cœur du moine puise sa ferveur.

Le cœur du moine est missionnaire. L'œuvre de Dieu, œuvre d'Eglise, est apostolique.